On entend souvent parler des jeunes qui se font embrigader dans ce qu’il est convenu d’appeler le terrorisme. Ce terme symptomatique de notre époque, on ne le connaît que trop bien. On connaît souvent les motivations des jeunes (car ils sont les principaux concernés), on connaît l’explication de la police, de psychologues et sociologues, la condamnation de l’Etat et même les conversations çà et là de tout un chacun, mais que sait-on au fond, de l’impact d’un acteur d’un fait à caractère terroriste sur la famille immédiate ? Et pour la mère du jeune en question ? Peu de choses. La pièce Gaz, plaidoyer pour une mère damnée évoque ce sujet sensible et d’une gravité incontestable. Elle a été jouée au Théâtre de Namur puis Théâtre des Martyrs et au Théâtre National jusqu’à la fin du mois de février dernier.
Un seul en scène sobre
Le décor épuré est la première chose qui frappe l’œil du spectateur, à peine a-t-il pris place sur son siège et observé ce qui se présente à lui sur la scène. Il sait décrire l’ambiance tragique qui ressort de l’histoire qui nous sera racontée quelques instants plus tard par la comédienne Viviane De Muynck, incarnant la mère. Ensuite, on entre petit à petit dans un univers chamboulé : celui de la perte d’un enfant, victime et criminel à la fois. L’angle de la pièce passe à travers ce qu’en a ressenti sa mère, partagée entre la condamnation des actes de son fils (dont on sait peu de choses réellement) et de son amour pour lui, malgré tout.

A l’image d’une bribe autobiographique, l’actrice récite les péripéties qui ont amené son fils à vouloir ni plus ni moins se faire exploser parmi une foule dans un lieu public. Un certain lyrisme se dégage de cette conversation sur le monde qu’elle entretient avec le public à travers ce monologue. On ne saura jamais l’identité de son fils, mis à part son prénom. On ne saura pas non plus par quel voie il s’est engagé dans le terrorisme. Nous sommes loin, ici, de la dénonciation des religions et de l’impact néfaste qu’elles peuvent avoir par certains de leur porte-parole. Cette pièce n’est pas un procès mais une écoute d’une proche décontenancée d’un jeune adolescent “ayant atteint la célébrité par le crime, en quelque sorte…”, pour reprendre l’expression des créateurs.
Ce spectacle a d’abord été conçu en néerlandais et a été joué pour la première fois en 2015 au Theater Malpertuis à Tielt, petite ville de Flandre entre Gand et Bruges. Depuis, il a été adapté en français pour toucher les deux principales communautés.
L’inconnue des motivations du passage à l’acte
C’est l’originalité du scénario exposé : aucun indice sur ce qui a poussé le fils de cette mère à en venir à commettre un meurtre de masse en même temps qu’un suicide.
Le titre Gaz explique l’attentat en lui-même (puisqu’il est utilisé comme arme dévastatrice par l’auteur de l’attentat) mais il dit bien davantage et est présent au-delà des mots. Originalité de la mise en scène. “Présent par sa combustion sur la scène, le gaz fait le lien entre la guerre de 14-18, le recours à l’ypérite lors de la bataille de l’Yser et la folie meurtrière des attentats terroristes d’aujourd’hui.“, précise l’auteur.
La pièce sera jouée dans d’autres théâtres du pays à l’avenir, selon les organisateurs. Toutefois , rien n’est encore annoncé concrètement. On attend de voir !
Texte: Tom Lanoye
Mise en scène: Piet Artfeuille
Avec: Viviane De Muynck
Traduction: Alain Van Crugten