Encore un audio livre ! On ne s’en lasse pas, je vous assure, et comme le précédent que je vous ai présenté, celui-ci m’accompagne partout.
Le format reste le même : livré sous forme d’un disque, le livre numérique, comme son grand frère en version papier, se décompose en chapitres que l’on télécharge sur son i-pod, et que l’on emmène partout avec soi. Dès qu’une petite dizaine de minutes se profile, hop, je saute sur mon casque, et me voilà sur les chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle que j’ai d’ailleurs moi-même arpentés !
Si on ne parle plus guère des très hexagonaux pèlerinages de Chartres et Lourdes, celui de Saint-Jacques-de-Compostelle, au cœur de la Galice, continue d’avoir la cote chez cathos et bobos. Parce que ce périple supposé à pied de centaines de kilomètres — que l’on parte de Paris, de Vézelay, de Clermont — est une expérience extrême de dépassement, donc d’affirmation de soi ? Parce que c’est un pèlerinage « bouddhiste », comme l’affirme Jean-Christophe Rufin dans sa picaresque Immortelle Randonnée ?
Jean-Christophe Rufin a suivi à pied, sur plus de huit cents kilomètres, le « Chemin du Nord » jusqu’à Saint-Jacques-de-Compostelle. Beaucoup moins fréquenté que la voie habituelle des pèlerins, cet itinéraire longe les côtes basque et cantabrique puis traverse les montagnes sauvages des Asturies et de Galice. « Chaque fois que l’on m’a posé la question : « Pourquoi êtes-vous allé à Santiago ? », j’ai été bien en peine de répondre. Comment expliquer à ceux qui ne l’ont pas vécu que le Chemin a pour effet sinon pour vertu de faire oublier les raisons qui ont amené à s’y engager ? On est parti, voilà tout. »
Selon lui, il « délivre des tourments de la pensée, ôte toute vanité de l’esprit et toute souffrance du corps, efface la rigide enveloppe qui entoure les choses et les sépare de notre conscience ; met le moi en résonance avec la nature ». Voilà pourquoi peut-être l’ancien médecin converti à l’écriture, puis aux honneurs républicains — de l’ambassade du Sénégal à l’Académie française —, s’est risqué sur les aventureux sentiers des « Jacquets ».
Nul désir mystique en effet chez l’ex-Prix Goncourt 2001 (Rouge Brésil). Plus philosophe ironique à la Diderot que lyrique croyant à la Péguy, Rufin croque avec dérision les pittoresques sensations de son long cheminement — la radinerie, la saleté, l’obsession des ampoules aux pieds ou des ronfleurs du prochain gîte qui menacent tout pèlerin — et de savoureux portraits de ces compagnons, qu’ils cherchent Dieu ou le sexe sur la route. Mais le chemin finit bientôt par hanter celui qui s’y était nonchalamment embarqué. « En partant pour Saint-Jacques je ne cherchais rien et je l’ai trouvé. ».
Par-delà toute spiritualité, c’est un lancinant apprentissage du vide qu’a vécu le marcheur. Et un vide qui conduit au plein. En témoignent les lumineuses réflexions — sur la religion, l’histoire, la politique même — qui ponctuent son odyssée et éclairent ici la lecture d’un éclat vif. Drôle, brillant, généreux mais sans concession, cet étonnant carnet de route ne donne qu’une envie : tenter aussi l’aventure de Compostelle. Vite!
Galerie de portraits savoureux, divertissement philosophique sur le ton de Diderot, exercice d’autodérision plein d’humour et d’émerveillement, « Immortelle randonnée » se classe parmi les grands récits de voyage littéraires, et se classe en tête des ventes françaises : n’hésitez pas !
Immortelle randonnée, de Jean-Christophe Ruffin, chez Audiolib. Coffret CD à partir de 20,90 €, Téléchargement à 18,80 €.