L’affiche vous dit quelque chose ? Normal, elle trône sur les panneaux bruxellois depuis quelques années déjà. C’est que l’adaptation théâtrale de l’œuvre du grand Camus a son petit succès à l’XL Théâtre. D’ailleurs, samedi 27 octobre, la petite salle du théâtre était comble pour la dernière représentation de Raffaele Giuliani.
Et pour cause. Le jeune comédien belge a frappé un grand coup en osant l’inimaginable : reprendre L’Etranger de Camus sur les planches, comme ça, tout seul, comme un grand, avec le concours de son metteur en scène habituel, Bernard Damien, accessoirement directeur de l’XL Théâtre et responsable de la plupart des mises en scène de l’acteur.
Pour l’occasion, Bernard Damien a opté pour une mise en scène minimaliste. Une scène étroite et circulaire, comme au cirque (et quel cirque que celui du procès pénal !), une chaise plantée au milieu et puis, un comédien évoluant dans ce petit espace, monologuant un fatalisme absurde sous un spot aussi impitoyable que le soleil algérien du roman. La scénographie épurée renvoie avec finesse au style neutre et froid de L’Etranger. A l’image de son narrateur, l’écriture est minimale, délestée de toute fioriture, aussi implacable que l’enchaînement des événements qui donnent à la justice un coupable en forme de monstre, dont elle est si friande. Raffaele Giuliani endosse le rôle de Meursault, se fait narrateur étrange de la fatalité qui le conduit à la guillotine, « le hasard », comme dit Raymond, « trop de hasard », selon le procureur général. Assis droit sur sa chaise, les mains posées stoïquement sur ses genoux, d’une voix transparente et juste, l’acteur entame son monologue d’une heure et demie, donne directement le ton, plonge le spectateur de l’autre côté, dans la vase brumeuse de son indifférence : « Aujourd’hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. J’ai reçu un télégramme de l’asile: «Mère décédée. Enterrement demain. Sentiments distingués.» Cela ne veut rien dire. C’était peut-être hier. »
Mise en scène : Bernard Damien
Avec : Raffaele Giuliani