Strange Fruit. Ces deux mots suffisent, pour tout amateur de jazz, à évoquer Billie Holiday et la sublime interprétation qu’elle fit de ce poème d’Abel Meeropol en 1939. La chanteuse connut une renommée internationale et Strange Fruit fut élevé au rang des classiques du jazz. Il est très dur de rester de marbre devant l’interprétation de Billie Holiday.
Pourquoi ? Strange Fruit est avant tout un chant de révolte, un cri du cœur contre le racisme, un véritable support pour le mouvement pour les droits civiques naissant à l’époque. La chanteuse sut lui donner une force et une émotion rarement égalée dans son interprétation mais surtout une dimension humaine, la chanteuse étant elle-même afro-américaine. Depuis lors, Strange Fruit est le symbole de la lutte contre le racisme et les discriminations à travers le monde. Voilà l’histoire. Vous ne connaissiez pas la chanson? Pas d’inquiétude, je vous pardonne et vous invite à l’écouter :
Étant une grande admiratrice de Billie Holiday, de Strange Fruit et du mouvement pour les droits civiques (je suis une groupie invétérée d’Angela Davis), je ne pouvais pas manquer ce spectacle proposé par le Théâtre National. Le « Strange fruit » que nous propose le talentueux Fabrizio Cassol n’est pas une pièce de théâtre mais bien la présentation de son dernier album… fruit de nombreuses collaborations. Un album concept, un « Opéra du monde » comme aime l’appeler le musicien liégeois.
Peu à peu, la salle du National se remplit jusqu’à être comble. Il faut dire que nous sommes privilégiés car « Strange Fruit » ne sera présenté que deux fois : hier au KVS et ce soir. Le concert commence avec les musiciens du groupe « The Black Machine » et leur énergique chanteur Baba Sissoko. Leur bonne humeur est communicative et bien que je ne sois pas une grande adepte de « musique du monde », je ne peux m’empêcher de me trémousser sur mon siège. Arrive ensuite Oumou Sangare, véritable diva malienne à la voix chaude et profonde et muse pour Fabrizio Cassol.
Percussions, chants africains, on pourrait croire que le concert est une ode à la culture malienne. Il est bien plus que cela puisque qu’aux rythmes africains s’ajoute le saxophone de Fabrizio Cassol, la guitare d’Hervé Samb, le piano d’Eric Legnini et j’en passe, car les musiciens sont nombreux et se succèdent au fil des chansons. À ces chansons, s’ajoutent surtout les voix cristallines de la Choraline (chorale de jeunes de la Monnaie). Si ce mélange peut nous paraître surprenant au début, il a vite fait de nous convaincre : des dizaines de personnes se sont déjà levées pour danser. Le ton est donc donné : ce concert sera placé sous le signe de la diversité. Qu’elle soit musicale comme culturelle.
“Southern trees bear a strange fruit,
Blood on the leaves and blood at the root,
Black body swinging in the Southern breeze,
Strange fruit hanging from the poplar trees.”
Lors de la soirée, plusieurs versions de Strange Fruit seront interprétées mais je retiendrai surtout celle de Marie Daulne pour son style épuré (et celle, très originale, de la chanteuse baroque Cristina Zavalloni). Le chanteur pop Kris Dane occupe ensuite la scène pour des chansons plus légères mais dotées d’un swing indéniable. Il fait place à Cristina Zavalloni qui nous offre toute la puissance de sa voix se mariant à la perfection avec celles de la Choraline. Elle sera rejointe par le chanteur de jazz belge David Lynx qui se livrera à un réel exercice de voix : improvisation et complicité avec les musiciens au point que dire qu’il a le jazz dans le sang est un euphémisme.
Enfin, si le spectacle est fini, vous pouvez toujours vous procurer l’album que je vous conseille vivement, « Strange Fruit » de Fabrizio Cassol!
Compositeur: Fabrizio Cassol
Musiciens: Oumou Sangare (voice), Baba Sissoko (voice, tama, Ngoni), Marie Daulne (voice), Kris Dane (voice), Cristina Zavalloni (voice), David Linx (voice), La Choraline (De Munt-La Monnaie), dir. Benoît Giaux (voices), Fabrizio Cassol (sax), Eric Legnini (keyboards), Hervé Samb (guitar), Michel Hatzigeorgiou (bass), Stéphane Galland (drums), Magic Malik (flute-voice), Bo Vanderwerf (sax baryton), Laurent Blondiau (horn), Michel Massot (trombone).