Dans la vraie vie, Milan s’appelle Milko et est fondateur de l’association Ban Public qui soutient les détenus et leurs familles. Sylvain Ricard s’est inspiré de l’histoire personnelle de Milko pour conter la prison des temps modernes. Milko est donc devenu Milan mais la réalité des conditions d’incarcération est restée. Une réalité dure, brute, sans concession, sans espoir véritable non plus de réintégration.
Au gré des transferts de Milan, le scénariste, Sylvain Ricard, nous promène dans tout ce que la prison peut contenir de bienfaits et de méfaits. Surtout de méfaits. On y croise la violence omniprésente, les gardiens pas toujours bienveillants, des supérieurs hiérarchiques peu concernés, la surpopulation carcérale. On y vit aussi la douleur des proches des détenus, le parcours du combattant de la femme de Milan pour pouvoir rendre visite à l’homme qu’elle aime et qu’elle refuse d’abandonner. On comprend peu à peu le vent de révolte qui anime le prisonnier dans ce no man’s land que constituent encore certaines institutions pénitentiaires actuellement.
Quoique. Dès le départ, Milan apparaît comme un mouton enragé. Peut-être trop enragé pour titiller l’empathie du lecteur. Aussi, l’histoire pourra-t-elle sembler trop engagée pour certains. Certes, le propos est de dénoncer, à travers les yeux d’un détenu, un système qui prend l’eau de toutes parts et surtout qui déshumanise à l’extrême. Mais l’absence de position contraire entache la crédibilité du brûlot. De même, le fait que Milan s’avère dès le départ être un fauteur de trouble ne le rend pas sympathique à la lecture et empêche dès lors une véritable prise de conscience, alimentée par un débat objectif.
Côté dessin, l’histoire est très bien servie par le travail de Nicoby. Le dessin et le découpage sont efficaces. La mise en images permet une lecture aérée d’un texte dur et réflexif. La palette de couleurs plutôt restreinte rend bien l’austérité de cet univers peu enviable qu’est la prison. Au final, une bande dessinée qui se laisse lire de bout en bout, qui fait réfléchir sur un sujet difficile, qui énerve de temps en temps par les extrémités auxquelles est poussé le personnage et qui laisse un goût peut-être trop acide quand on referme l’album. Reste que Vingt ans ferme aura au moins le mérite de relancer une énième fois le débat sur la véritable place de la prison dans notre société actuelle. A méditer, donc.