Merci n’a pas encore 16 ans et elle s’ennuie ferme dans la petite ville de Bredenne qui compte moins de 10 000 habitants et où il ne se passe pas grand chose d’intéressant pour les jeunes, ni rien d’intéressant tout court non plus, d’ailleurs. Comme bon nombre d’adolescents (surtout lorsqu’ils font face à un quotidien monotone), elle teste les limites (un look un peu gothique) et, surtout, accumule les provocations et les bêtises… ce qui la conduit devant un juge des enfants pour le moins bienveillant et compréhensif. Face à cette gamine contestatrice, il fait preuve d’originalité et imagine une peine alternative qui puisse réellement l’aider à grandir. Plutôt que de la condamner, il va lui donner une chance. Elle qui critique tout, à tort ou à raison, se retrouve contrainte de se frotter à l’engagement politique municipal, dans ses travers mais aussi dans ce qu’il a de plus beau. Elle trouvera dans cette expérience une source d’émerveillement et d’apprentissages, s’ouvrant avec optimisme à l’art et aux autres, sources de richesses inespérées jusqu’alors.
Je ne vous en dis pas plus concernant le scénario pour ne pas vous gâcher le plaisir de la découverte. Mais Merci est une bande dessinée qui fait assurément du bien au moral. Comme souvent, Zidrou, le scénariste de L’Élève Ducobu, offre à ses lecteurs une histoire profonde, à la manière de sa récente Trilogie africaine réalisée avec le dessinateur Beuchot et publiée par Le Lombard (et dont on attend impatiemment le troisième tome). Il nous présente des personnages attachants et singuliers, dignes d’intérêt et amusants sans être caricaturaux pour autant. Quant au dessinateur de Merci, Arno Monin, il avait déjà impressionné par les deux tomes de L’enfant maudit et ses deux tomes de L’envolée sauvage, deux séries parues chez Grand Angle, en collaboration avec le scénariste Laurent Galandon. Son trait doux et faussement naïf convient parfaitement à l’histoire de cette adolescente qui se cherche et qui suscite progressivement la sympathie du lecteur. Quant aux couleurs, elles sont vives, ce qui accentue encore plus le côté énergique et optimiste de cette histoire.
En résumé, Merci est un projet abouti à mettre dans les mains de quiconque s’intéresse un minimum à la politique ou, dans le cas contraire, souhaite s’ouvrir à ce qui se fait de meilleur en la matière, au versant positif de la chose, magnifiquement mis en évidence par l’engagement de cette adolescente dont on suit la réconciliation avec ses proches, avec la société et, surtout, avec elle-même. Cette bande dessinée s’adresse avant tout à tous ceux qui aiment les belles histoires. Si Merci peut d’abord insupporter par sa nonchalance, le lecteur s’attachera à elle au gré de ses découvertes et de son évolution. Autour de ce personnage charismatique, une série de personnages secondaires convaincants et dotés d’une certaine épaisseur qui permettent à l’univers de Merci de prendre vie.
Zidrou et Arno Monin, Merci, Grand angle, 54 p., 14,90 €